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Pierre Bayle, philosophe

Écrit le 22/07/2010, dans Chroniques Gabre

Philosophe célèbre dont le rayonnement fut grand aux XVIIe et XVIIIe siècles, et dont on redécouvre de nos jours l’actualité, Pierre Bayle est né en 1647 au Carla, en Ariège (qui porte son nom depuis 1879), où son père Jean, originaire de Montauban, était pasteur, ayant épousé une fille du pays, Jeanne de Bruguière. Ses deux grand-mères maternelles (son grand-père veuf s’étant remarié) appartenaient à des familles du Mas d’Azil alors bien connues, les Ducasse et les Langlois, et par elles il était apparenté aux autres grandes familles aziliennes, les Dusson, Falentin, d’Amboix. A la suite de son frère Jacob, il fait des études de théologie à l’académie réformée de Puylaurens, et veut se perfectionner auprès des Jésuites de Toulouse : séduit par leurs arguments, il se convertit au catholicisme ; mais après dix-huit mois d’expérience, il décide de revenir à l’Eglise Réformée, et doit alors fuir pour échapper aux graves sanctions édictées par Louis XIV contre les relaps. C’est donc un protestant par choix délibéré et non seulement par éducation. Il se réfugie alors à Genève où il parfait ses études, gagne sa vie comme précepteur à Rouen et Paris (en se faisant appeler Bêle pour ne pas être reconnu), puis obtient par concours, à 28 ans, la chaire de philosophie à l’académie réformée de Sedan, où il a comme collègue le théologien Pierre Jurieu. Lorsque l’académie est supprimée par Louis XIV, en 1681, l’un et l’autre sont accueillis à Rotterdam, où ils retrouvent de nombreux protestants français réfugiés. C’est là que Bayle publie les Pensées diverses sur la comète (1682), débusquant superstitions et préjugés, et soutenant en particulier qu’il y a des athées plus vertueux que beaucoup de chrétiens ; c’est là qu’il crée une revue savante, les Nouvelles de la République des Lettres, qui va asseoir sa réputation dans toute l’Europe.

Pendant ce temps les protestants français sont soumis aux dragonnades, son frère Jacob, devenu pasteur du Carla, est arrêté et meurt en prison, et la révocation de l’édit de Nantes met le protestantisme hors la loi. Bayle publie alors un pamphlet indigné Ce que c’est que la France toute catholique sous le règne de Louis le Grand, puis un Commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ « Contrains les d’entrer » (1686) où il réfute l’usage de la contrainte en matière de religion. Paroissien fidèle de l’Église réformée wallonne dont Jurieu est un des pasteurs, Bayle va s’opposer à lui sur la conduite à tenir face à Louis XIV, estimant que même en exil il faut rester un sujet loyal en espérant un changement d’attitude du roi, alors que Jurieu considère celui-ci comme un tyran à renverser et se fait le propagandiste de Guillaume d’Orange qui organise une coalition contre la France. Accusé d’être un défaitiste et un mécréant, Bayle est destitué de son poste et doit se contenter du revenu de ses ouvrages. Il se lance alors dans la rédaction de son grand Dictionnaire historique et critique (1697), monument d’érudition et d’esprit critique (l’article sur le roi David, dont il montre sans ménagement les faiblesses, est censuré par le consistoire réformé), qui sera souvent réédité et assure pour longtemps sa célébrité. Un article consacré à l’Ariège, et dans sa correspondance les lettres adressées aux cousins qui lui restaient, montrent à quel point il demeurait attaché au pays de son enfance.

Tourmenté par le problème du mal – comment un Dieu bon peut-il le permettre ? – Bayle s’oppose dans ses dernières œuvres aux théologiens qui prétendent le résoudre par des explications rationnelles, et soutient qu’on ne doit pas chercher à concilier la révélation biblique avec la raison philosophique. Resté célibataire et pauvre, de santé fragile, en butte à des accusations d’irréligion, Pierre Bayle va mourir à 59 ans dans la solitude, laissant à un ami ces quelques mots : « Je meurs en philosophe chrétien, persuadé et pénétré des bontés et de la miséricorde de Dieu, et vous souhaite un bonheur parfait. »

Pasteur Philippe de Robert